L’éveil, le développement cérébral et la TV

Louise est encore un peu petite pour que l’on puisse parler d’éveil au sens « phase d’éveil ». Toutefois, on se rend bien compte qu’elle nous voit de mieux en mieux, qu’elle réagit à notre présence, à nos voix, au toucher et même au stress ou au calme. Elle réagit aux stimuli lumineux et sonores, ce qui est tout à fait normal.

Le tapis d’éveil

Pendant la grossesse, j’ai choisi un tapis d’éveil car il était à la fois original, de qualité et très confortable. Son seul « défaut » est qu’il n’avait pas d’arche. Cela signifie plusieurs choses : d’une part, le bébé ne pourrait pas s’y agripper pour tenter de se lever, et d’autre part, c’est un tapis d’éveil conçu pour être utilisé à plat ventre. Or, c’est un peu tôt pour ça. La position sur le ventre n’est pas encore du goût de Louise qui doit produire pas mal d’efforts (pousser sur les bras, notamment) pour lever la tête.

La maman de Louise a donc choisi de son côté un autre tapis d’éveil, aux couleurs vives et avec des arches ainsi que de la musique et des sons d’ambiance. Louise peut s’y placer sur le dos et regarder les différentes suspensions qui jalonnent les arches. Et là, c’est le bonheur. Elle reste très calme, concentrée, elle regarde un peu partout mais de façon séquentielle et mesurée, et toutes ces petites stimulations lui font produire de petits sons, des gazouillis.

Au départ, nous avions placé ce tapis face à notre canapé, ou, pour être plus précis, entre la table basse du salon et la TV. Seulement, regardant Louise, je me suis aperçu qu’épisodiquement, son regard allait vers la TV plutôt que sur les suspensions alors même que cela lui coûtait davantage d’efforts. Eh oui, la TV, ce sont des sons, des flashes, des couleurs animées, des formes et mouvement qui attirent drôlement l’attention. Et ça m’a fait un peu mal au cœur.

Après concertation avec la maman, nous avons déplacé le tapis afin qu’elle ne soit plus exposée à la TV. Et c’est, j’en suis convaincu, une bonne chose.

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Les « bienfaits » de la télévision

Un bon ami m’a fait découvrir en mai 2014 une vidéo sur YouTube. Rien d’extraordinaire, me direz-vous, mais attendez la suite (« wait for it… dary ! »). Il s’agit d’une conférence locale (qui semble tournée dans une salle municipale ou équivalent) de Michel DESMURGET, chercheur à l’INSERM, qui expose les résultats d’une étude sur les conséquences de l’exposition à la TV chez les enfants. Le mec ne joue pas de flûte, il s’appuie sur des études qui elles-mêmes s’appuient sur des constatations empiriques, concrètes.

Par exemple, il nous explique qu’un enfant qui joue tranquillement dans son parc avec ses jouets va s’inventer une histoire, un scénario avec différents personnages, une petite intrigue, des rebondissements, etc. Or, cet enfant, s’il est exposé à la TV durant cette période, sera régulièrement interrompu (j’ai presque envie de dire « cassé ») dans sa démarche intellectuelle et créative, par les sons et lumières de la publicité ou des programmes, et lorsqu’il retrouvera sa concentration, il ne reprendra pas le fil de son cheminement créatif mais devra repartir quasiment du début. Je vous laisse imaginer l’impact que ça peut avoir… C’est un peu comme si Gustave Eiffel avait été dérangé toutes les demi-heures en tentant de concevoir sa tour pour l’Exposition Universelle de 1900 : soit elle n’existerait pas aujourd’hui, soit elle se serait arrêtée à un stade précoce, comme sa base par exemple. La créativité fonctionne comme des ramifications. Si on l’interrompt, un nœud se forme et adieu les ramifications. En extrapolant un peu, cela donne de futurs adolescents et adultes qui commenceront peut-être plein de choses mais n’iront jamais (ou très rarement) au bout de ces choses, laissant tout inachevé par manque de suite dans les idées.

On y apprend aussi, preuves à l’appui, que sur deux groupes d’enfants, le premier pas ou peu exposé à la TV et le second exposé ou très exposé à la TV, auxquels on demande de dessiner un mouton ou un bonhomme, le premier groupe fournira des dessins systématiquement plus sophistiqués, recherchés, personnels que le second groupe qui adoptera le style « patate » ou « bâton ».

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Image empruntée à la présentation de Michel Desmurget « TV Lobotomie »

On le comprend assez vite, les enfants éduqués à la TV, ceux du second groupe, sont les enfants « pas-de-bol », qui, par manque d’attention ou de présence des parents, souffrent de lacunes en terme de développement cérébral. Ils ne sont pas plus bêtes que d’autres, attention : ce n’est pas mon propos. Ils ont simplement moins de cartes en main pour gagner la partie, et c’est quand même bien dommage.

J’espère avoir suffisamment suscité votre intérêt pour cette vidéo d’environ une heure ; franchement, si vous êtes adeptes de la TV « facile », regardez ça plutôt que des âneries comme TPMP et autres Secret Story, The Voice ou que sais-je, et vous ne verrez plus la TV de la même façon. Pour les curieu.se(s/x), la vidéo est ci-dessous et porte un nom équivoque : « TV Lobotomie ».



Vous l’aurez compris, j’ai choisi dans ce billet de ne parler que de l’aspect « éveil », mais les méfaits de la TV sont bien loins de s’arrêter là ! rolleyes


Pour aller plus loin

Si vous avez vu cette vidéo, et que vous souhaitez en discuter, je serai ravi de le faire en commentaire, juste dessous. smile

2 réflexions sur “L’éveil, le développement cérébral et la TV

  1. Quand j’ai vu la miniature sur fb, j’ai su de quoi il s’agissait ! ;)

    Malheureusement comme la télé fait partie du quotidien des gens, ces derniers auront tendance à la défendre (on défend toujours nos habitudes et il est difficile de se dire « ok… je fais une chose depuis des années mais j’accepte d’avoir été dans l’erreur et j’arrête ») – ou alors de se dire « mais, j’ai toujours regardé la télé, je ne suis pas plus con qu’un autre ! » et ce, en dépit des recherches. Sans même être chercheur, on sait bien que la télé demande de la passivité de la part du cerveau des gens… cette passivité, surtout quand on est enfant, on finit par la payer plutôt cher par la suite… créativité, rapidité, etc.

    Je sais que suite à cette conférence (et à son livre) il y a eu beaucoup de réactions négatives, de gens qui, utilisant la télé, se sentaient visés… Mais au lieu de nier le problème pour faire comme s’il n’existait pas, autant se dire qu’il n’est jamais trop tard pour arrêter le mal ! ;)

    Qu’on le veuille ou non, rester passif provoque obligatoirement un ralentissement de son évolution intellectuelle/artistique/etc. Comme ce que nous dit le pianiste Rubinstein : lorsqu’il ne joue pas au piano une journée, il le sent, lorsqu’il ne joue pas au piano trois journées, c’est le public qui le sent.

    Qu’un adulte se dise qu’il a bien le droit de se détendre devant la télé… ok, mais le bébé n’a pas le choix et quand on sait que ça lui est préjudiciable alors on ne lui fait pas ce mauvais cadeau ;)

    1. Finalement, c’est un peu comme pour le tabac. On sait que c’est mauvais, certains adultes choisissent de persister malgré cela, soit. C’est leur choix. Mais ce n’est pas celui des fumeurs passifs qui paient la facture tout aussi cher, contre leur volonté. Et il en va de même pour les mamans enceintes qui fument, les parents qui fument, etc. C’est même pire : le système respiratoire du bébé, comme tous ses autres systèmes, étant immature et encore en développement durant les premiers mois (voire années !) de sa vie, ça créé des générations d’asthmatiques…

      Pas certain qu’il soit nécessaire de parler de l’alcool… un reportage récent mettait en lumière le « résultat » chez les enfants victimes de l’alcoolisation de leur génitrice durant la grossesse : troubles du comportement, agressivité, problèmes de concentration, d’élocution. Le corps médical a fini par résumer de façon assez dramatique mais bien réelle en disant que ces enfants sont définitivement pénalisés pour toutes les activités qui font appel aux fonctions cérébrales, qu’il s’agisse des activités motrices, de l’aptitude à la concentration, à la réflexion, ou tout le reste. Ils pourront tout faire, mais moins bien. Dans tous les domaines. Pour toujours. (Pardon pour la prétérition ! :mrgreen: )

      Je n’en ai pas parlé ici, mais la TV apporte son lot de peur, de violence, offre une perception biaisée de la réalité qui compromet la santé du modèle relationnel social, avec des programmes mettant en scène des relations de couple toujours conflictuelles, des standards moraux discutables (du puritanisme à la légitimisation de la violence, du mensonge et autres…) qui créent ici des générations de névrosés cyniques, de mysogynes, de pervers narcissiques, etc. Mais ce problème là se posera un peu plus tard, d’où l’importance de donner le goût de la lecture, de l’effort, et de ne pas interdire la TV mais de bien discuter, briefer et débriefer, expliquer, décortiquer pour tenter de créer un petit esprit critique qui saura faire la distinction entre fiction et réalité et qui, je l’espère, saura trier l’information dont on nous bombarde.

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